Analyse du Forum Ecole & Nation pour le Cercle Maupeou :
https://cerclearistote.fr/ecole-nation-bilan-baccalaureat-blanquer-cercle-maupeou/
Vendredi 8 juillet, le ministère de l’Education Nationale publiait les résultats définitifs du baccalauréat 2023. Pap Ndiaye avait annoncé 4 jours plus tôt (pour les résultats provisoires) que le baccalauréat « retrouve une sélectivité qu’il avait pu perdre ces dernières années ».
Qu’en est-il réellement? Que vaut aujourd’hui le « bac Blanquer »?
Il est vrai qu’avec 90.9% de taux de réussite en 2023 (toutes filières confondues), on observe un léger tassement mais qui est presque intégralement imputable aux dysfonctionnements causés les années passées par les mesures covid (aussi inutiles que grotesques). En 2020 la dernière édition du baccalauréat par séries (L/ES/S) s’est faite sans examen terminal sur la base du contrôle continu intégral (synonyme d’un taux de réussite record de 95.7%). Les sessions 2021 et 2022 (respectivement 93,9% et 91,1% de réussite) ont marqué un retour progressif aux modalités prévues par Jean-Michel Blanquer. La session 2023 fut donc la première à se dérouler normalement depuis la mise en place de la réforme. S’il on compare le taux de 2023 (90.9%) avec le taux de la dernière année normale (88% en 2019), on constate que la tendance haussière se confirme, le covid ayant servi de prétexte pour brader l’examen encore plus largement pendant 3 ans. La « sélectivité » est donc un mensonge du ministre. Le baccalauréat est quasiment devenu un certificat de présence au lycée puisque la plupart des recalés sont des élèves absentéistes et totalement démotivés.
L’idéologie du « bac pour tous » consacrée par la réforme Blanquer.
Hormis les élèves « en situation de décrochage scolaire », presque aucun candidat présent aux cours et aux épreuves ne rate son examen. Afin d’arriver à ce résultat, Jean-Michel Blanquer, largement inspiré par le socialiste Pierre Mathiot, a facilité l’obtention du baccalauréat par 3 mesures redoutables. Tout d’abord le contrôle continu (basé sur les bulletins), en théorie limité à 10% (afin de faire passer la pilule à l’opinion publique) représente en fait 40% de la note finale. Comme le prouvent le taux record de réussite en 2020 (95.7%) et le DNB(1), le contrôle continu facilite l’obtention des diplômes. Deuxième méthode pour gonfler artificiellement le taux de réussite : le « grand » oral, épreuve totalement démagogique(2), a été conçu pour rattraper les élèves les plus faibles (la notation valorisant la forme au détriment du fond, c’est à dire les connaissances). Enfin tous les expédients qui facilitent la réussite du baccalauréat ont été confortés par M. Blanquer: conservation des notes à deux chiffres pour les redoublants, consignes de « bienveillance », épreuves du second groupe (qui ajoutent environ 6% au taux de réussite)… Alors que le système scolaire français est de plus en plus mal noté dans les classements internationaux, le taux de réussite au baccalauréat augmente continuellement, ce qui permet de remplir artificiellement le sacro-saint objectif fixé par la gauche dans les années 1980 : 80% des jeunes sont dorénavant bacheliers (79.3% en 2023). Comment peut-on analyser ce phénomène du « bac pour tous »?
Nouvelle étape d’une massification fulgurante.
Le baccalauréat, 1er grade universitaire, fût jadis un diplôme élitiste et très sélectif. Il s’est massifié de manière spectaculaire en seulement deux générations. Au début des années 1960, il n’y avait que 60.000 lauréats et le taux de réussite dépassait à peine 60%. Néanmoins, l’arrivée de la génération du baby boom et la création du baccalauréat technologique (première session en 1969) enclenchent une augmentation progressive du nombre de diplômés : 167.000 en 1970, 222.000 en 1980, 384.000 en 1990, 502.000 en 2000. La création du baccalauréat professionnel (première session en 1987) contribue à cette augmentation. Cette évolution entérine la modernisation et la tertiarisation de l’économie française qui a besoin de travailleurs de plus en plus qualifiés. Ce mouvement de scolarisation des masses s’observe sur le plan mondial et constitue une amélioration remarquable du niveau général d’instruction. En France, cette massification est restée exigeante jusqu’au début des années 1980 (avec un taux de réussite moyen de seulement 64%). Notons qu’en 1968, suite aux « évènements », le baccalauréat a été bradé avec un taux de réussite jugé démagogique… de 81.3%.
Quand la quantité (des diplômés) se fait au détriment de la qualité (des diplômes).
Les années 1980 marquent un tournant dans cette inflation des diplômes. Tout d’abord, le regroupement familial (confirmé par la Conseil d’Etat en 1978) bouleverse le fonctionnement du système scolaire français. L’arrivée massive d’enfants d’immigrés exerce une pression à la baisse sur les exigences. En effet, l’immigration qualitative (originaire d’Asie de l’Est) qui fournit d’excellents élèves est très minoritaire. L’immigration d’origine africaine, très majoritaire, pose parfois de graves problèmes d’intégration (affaire du foulard de Creil en 1989). Cette politique d’immigration massive a conduit à une multiplication des « ghettos scolaires » et a creusé les écarts entre les lycées. Ensuite, la gauche au pouvoir a modifié en profondeur les méthodes d’enseignement (Loi Jospin de 1989 consacrant la victoire idéologique des « pédagogistes »). Ces « pédagogies alternatives » qui mettent « l’élève au centre du système » (au détriment des savoirs, de l’autorité et des maîtres) ont abaissé le niveau des écoliers. A la même période, la gauche au pouvoir s’est fixée un objectif quantitatif très ambitieux : conduire 80% d’une classe d’âge au baccalauréat. L’effondrement du niveau résulte du croisement de ce deux données contradictoires : la baisse du niveau général (du fait de l’immigration extra-européenne et du pédagogisme) combinée à la volonté dogmatique de pousser 80% des écoliers vers le baccalauréat ont conduit naturellement au désastre actuel, c’est à dire l’effondrement du niveau du diplôme. L’œuvre de Jean-Michel Blanquer ne peut se comprendre que dans ce contexte.
Déconstruction des filières, des évaluations et du calendrier.
Afin de diplômer coûte que coûte 80% des jeunes générations, les exigences disciplinaires des trois baccalauréats ont été minutieusement abaissées par les ministres successifs. La mise en place du CCF(3) dans la voie professionnelle a fait mécaniquement augmenter les taux de réussite (82.7% en 2023). Le bac professionnel est de moins en moins un moyen d’intégrer le marché de l’emploi. Il sert, via un système de quotas, à intégrer des BTS et IUT avec un niveau souvent très faible (ce qui n’a pas manqué d’effondrer le niveau des BTS, où les lauréats du baccalauréat général sont dorénavant quasi-absents). La voie technologique, réputée pour être peu exigeante, affiche un taux de réussite très élevé (89.8%). Même avec d’immenses lacunes, les élèves qui se donnent la peine d’assister aux cours ont quasiment tous leur baccalauréat. Enfin, le baccalauréat général est de plus en plus facile à obtenir (95.7%) grâce aux réformes évoquées aux paragraphes précédents. Tout ceci conduit à une inflation des diplômes mais aussi des mentions (les 2/3 des lauréats décrochent aujourd’hui une mention).
La réforme Blanquer aura contribué à ce saccage du baccalauréat, non seulement en supprimant les filières générales (L/ES/S) au profit de « parcours à la carte » tout en instaurant un contrôle continu très contraignant pour les professeurs : soumis à la pression des élèves et de certains parents, ils doivent organiser de multiples devoirs de rattrapage notamment dans le cadre du dispositif « notes non représentatives » qui implique des épreuves spécifiques à chaque établissement. Enfin, et c’est l’aspect le plus aberrant de la réforme, le calendrier de terminale est complétement chamboulé. Si les absurdes E3C(4), ont été vite abandonnées, MM. Blanquer et Ndiaye se sont entêtés à maintenir en mars (!) les épreuves de spécialités en filières technologiques et générale. Cette hérésie pédagogique perturbe gravement le fonctionnement des lycées (avec des millions d’heures de cours perdues(5)) et décrédibilise le 3e trimestre ainsi que les épreuves de juin (philosophie et « grand » oral) puisque les candidats connaissent 82% de leur note finale début avril (EAF(6), contrôle continu sur 5 trimestres et EDS(7)).
Conclusion : une réforme qui s’insère dans la grande braderie égalitariste du système scolaire.
La réforme Blanquer n’est qu’une nouvelle étape de la dévalorisation des diplômes et de l’institution scolaire. L’injonction au « bac pour (presque) tous » (80% d’une classe d’âge) dans un contexte d’immigration massive et de pédagogisme ne pouvait se réaliser qu’en bradant le diplôme. Pur produit du sérail, M. Blanquer n’a pas eu le courage de remettre en cause l’idéologie égalitariste qui justifie cette grande braderie scolaire (et de plus en plus universitaire). Par démagogie, la sélection, la discipline et le sens de l’effort ont été abandonnés. Le baccalauréat, véritable institution créée par Bonaparte, a été sacrifié sur l’autel de l’égalitarisme. Les saccages de M. Blanquer (contrôle continu, « grand » oral galvaudé, calendrier chaotique…) ne sont pas des ratés, mais bien des décisions prises sciemment afin de servir l’idéologie « progressiste ».
(1) Diplôme national du brevet, bradé depuis des décennies, n’a plus la moindre valeur.
(3) Le contrôle en cours de formation est un système pervers qui renvoie la responsabilité de l’échec sur le professeur. En effet chaque enseignant organise lui-même l’épreuve de sa matière dès qu’il estime que ses élèves sont prêts.
(6) Epreuves anticipées de français passées à la fin de la 1ere (constituées d’une épreuve écrite (4h) et d’un oral sur des textes prévus au programme).
(7) Les enseignements de spécialité, à fort coefficient, ont eu lieu cette année les 20 et 21 mars pour des résultats communiqués le 12 avril.
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