École: l’autorité des maîtres plus que jamais au cœur des débats

Tribune de Gilles Ardinat, professeur agrégé d’histoire-géographie, coordinateur du Forum École & Nation, publiée sur le site participatif « M l’avenir »: https://mlavenir.fr/

Le meurtre épouvantable de Samuel Paty le 16 octobre 2020 a mis en lumière, de manière tragique, les difficultés croissantes des personnels de l’Éducation Nationale face à des élèves ou des parents de plus en plus vindicatifs. Avant d’être décapité par un terroriste tchétchène, ce professeur d’histoire-géographie avait fait l’objet d’une véritable campagne de harcèlement mettant gravement en cause le contenu de son cours. Ce type de contestation devient de plus en plus fréquent et l’institution se montre bien frileuse pour défendre ses fonctionnaires. D’ailleurs, lors du débat parlementaire autour du « séparatisme », rebaptisé hypocritement « respect des principes de la République », 48 députés, dont Sébastien Chenu et Nicolas Meizonnet pour le Rassemblement National, conscients de ce problème, ont déposé un amendement, inspiré par l’affaire Samuel Paty, afin de renforcer l’autorité des professeurs.

Notre École manque-t-elle de moyens ou d’autorité?

Face à la crise profonde de notre système scolaire, la plupart des syndicats réclame « davantage de moyens », notamment via des embauches, pour un ministère dont le budget dépasse les 52 milliards d’euros en 2020 (en hausse), sans compter les sommes considérables (plus de 20 milliards d’euros) investies par les collectivités. En 2018, la DIE (dépense intérieure d’éducation*) était estimée par l’INSEE à 157 milliards d’euros, plaçant la France dans la moyenne des pays de l’OCDE (ce qui n’a pas empêché la chute générale du niveau).

Alors que notre pays est surendetté et que près de la moitié des fonctionnaires de l’État relève de l’Éducation Nationale, réclamer toujours « plus de moyens » s’apparente à une fuite en avant clientéliste. D’ailleurs le ministère, confronté à une crise des vocations alarmante, peine à pourvoir les postes offerts aux concours. Beaucoup de remplacements ne sont pas assurés faute de candidats auprès des rectorats. Si la question des rémunérations, au cœur du « Grenelle » en cours, est légitime, des mesures d’urgence peu coûteuses peuvent être prises immédiatement afin d’améliorer le climat scolaire. La « revalorisation du statut » des professeurs, si chère aux syndicats, passe d’abord par l’amélioration de leurs conditions d’enseignement car même avec un salaire augmenté, nul ne veut se faire chahuter, voire insulter, impunément par ses élèves.

Rétablir l’ordre à l’École: un impératif pour les professeurs et les élèves.

En réalité, notre École souffre moins d’un manque d’argent que d’une perte d’autorité, qui devient insupportable pour de nombreux collègues (en particulier dans les zones dites « sensibles »). L’institution scolaire paie aujourd’hui l’idéologie catastrophique de mai 68 qui a conduit bien souvent à une inversion totale des valeurs. Au slogan « il est interdit d’interdire » a succédé, dans bien des établissements « il est impossible d’enseigner ». Alors que la société française réclame ordre et sécurité, l’École doit rompre avec la culture du laxisme qui a sapé l’autorité des maîtres.

Les punitions/sanctions doivent redevenir dissuasives avec par exemple des travaux d’intérêt général adaptés à un public mineur. Il faudra également modifier le code de l’Éducation afin de pouvoir exclure effectivement les délinquants même avant 16 ans (la scolarité obligatoire ne doit plus être inconditionnelle), le ministère de la justice devant traiter, dans des établissements spécifiques, l’infime minorité d’élèves dangereux. Le recrutement dans les vies scolaires doit aussi évoluer, notamment en favorisant les passerelles depuis les ministères de l’Intérieur et de la Défense: d’anciens policiers, gendarmes ou militaires pourront ainsi intégrer le corps des CPE (conseillers principaux d’éducation). Surtout, les professeurs doivent systématiquement être défendus par leur hiérarchie: il faut sanctionner sans hésiter les élèves et les parents agressifs, y compris par une suspension des allocations familiales. Lors des Conseils de classe, l’avis des professeurs doit redevenir prépondérant dans tous les domaines, notamment pour le passage en classe supérieure (actuellement laissé au bon vouloir des familles).

Ces premières mesures d’urgence, propres à rétablir « l’École de la confiance » promise par Jean-Michel Blanquer, doivent s’inscrire dans un plan d’envergure de reconquête pédagogique et sécuritaire pour le grand bien de tous.

* la DIE comptabilise toutes les sources de financement (État, collectivités, ménages, entreprises…) du système éducatif de la maternelle au supérieur.

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